« Ici, on aide les femmes à retrouver les codes de leur beauté, celle qu'elles n'ont plus les moyens d'entretenir »
Pourquoi avoir crée cette association ?
C'est une initiative de Lucia
Iraci, la présidente et fondatrice de notre association. Lucia est coiffeuse
professionnelle avec un parcours de 25 ans dans la coiffure de mode et de
studio et a travaillé avec les plus grands mannequins et photographes,
pour les plus grands magazines de la planète. Depuis 15
ans, Lucia s'est posée à Saint-Germain des Près, dans un endroit
assez discret, très élégant, où elle y reçoit une clientèle qui
n'a pas réellement de soucis financiers.Ça fait
maintenant quelques années que notre présidente nous confie,
combien elle a constaté que quand une femme est en parcours de
précarité, il est compliqué d'entretenir une apparence que
pourtant la société exige d'elle en permanence et en regard de quoi
une femme doit toujours donner une image positive d'elle. Parce que très
rapidement, quand on croise quelqu'un dans la rue, on peut avoir ce
jugement qui dit «Tiens, cette femme ça n'a pas l'air d'aller ».
Joséphine ça sert à ça, quand une femme en recherche d'emploi, se
rend à des entretiens, dés les premières secondes, il y a une
lecture de son apparence qui est faite. Et c'est à ce moment là que
notre travail prend tout son sens car en voyant que tout est parfait dans son apparence, le/ la
recruteur(se) va se dire: « C'est quelqu'un à qui je peux confier
la mission professionnelle car cette femme sait prendre soin d'elle
et se préparer pour les moments importants »
Pourquoi avoir choisi de descendre
dans le métro ?
Nos salons sont
«des endroits assez confidentiels» tout y est
anonyme, nos vitres sont occultées parce qu'on ne veut pas que nos
clientes y soient reconnues. Pour chaque prestation de coiffure, quelqu'en soit l'étendue, nous allons leur demander 3 euros pour quelque
chose (balayage, brushing, soin du cheveu etc...) qui peut valoir 80/90 euros dans un salon de coiffure
classique et un euro pour chaque
prestation de beauté esthétique. On va se rencontrer douze fois
pendant un an, au rythme d'un rendez-vous coiffeur et d'un
rendez-vous esthétique chaque mois.On va faire avec elles, un
parcours de reconstruction de leur image, de leur identité et on va
les aider à retrouver les codes de leur beauté, celle qu'elles
n'ont plus les moyens d'entretenir. Après, il n'y a plus qu'un pas à
faire car la beauté génère du bien-être. Notre association s'appelle Joséphine pour la beauté des femmes car même si parfois ça peut sembler un
prétexte futile, on est bien conscients que cette beauté, c'est
quelque chose de précieux, c'est un capital qui doit être en
construction permanente et c'est extrêmement coûteux; Joséphine
est là pour ça .
«Même si parfois ça peut sembler un prétexte futile, on est bien conscients que cette beauté, c'est quelque chose de précieux»
Ces femmes à qui vous redonnez confiance qui sont-elles ?
75% d'entre elles sont en
situation de monoparentalité, avec une moyenne de deux enfants,
qu'elles élèvent toutes seules, beaucoup sont au R.S.A avec des restes à
vivre minimal. Elles doivent faire manger une famille avec 5/6 euros
par jour, alors dépenser 70 euros en un jour, c'est juste
inimaginable ! Elles ne prennent même plus le temps le matin
de s'observer dans le miroir, elles ne se regardent plus car leurs
enfants sont leur priorité et qu'il y a toujours quelque chose à
payer pour leur famille, la cantine, une nouvelle paire de
chaussures, une machine à laver à réparer, etc.... Quand elles subissent un divorce, une
séparation c'est une exclusion sociale, elles perdent un environnement
social et familial auquel elles étaient attachées et avec lequel elles se
prêtaient aussi des vêtements et échangeaient des rituels de beauté.
Quand elles perdent un travail, elles perdent aussi des collègues, restent
toutes seules chez elles et personne ne les attends, si ce n'est à Pôle
Emploi ou chez l'assistante sociale. Et contrairement à l'adage qui
dit qu'il vaut mieux faire envie que pitié, souvent quand elles vont
voir l'assistante sociale, elles ont l'impression que si elles y vont
trop joliment apprêtées, elles ne vont pas faire envie.
Quelle ont été les réactions des
voyageurs parisiens, parisiennes ?
On a des
retours extrêmement chaleureux, beaucoup ont entendu
parler de Joséphine mais la plupart ne savent pas que nous avons un
salon à Paris depuis 3 ans. On a énormément de clins d’œil et
cet appel aux dons, aujourd'hui, n'est qu'un prétexte pour rencontrer
les parisiens parce notre salon est extrêmement discret.
Pour nous, il est hors de question qu'une femme entrant chez
Joséphine soit reconnue. Elle, elle va chez Joséphine parce que
c'est la galère, parce que elle est dans un parcours de carence et
l'endroit est improbable, à Barbés dans le 18eme, personne ne
fait attention à personne. Avec cette opération dans le métro en complicité avec la fondation RATP et la fondation L’Oréal, on va contacter celles et ceux qui sont venus nous voir et qu'on a sensibilisé à notre action et faire appel à leur générosité.
Interview réalisée par Vanessa Saksik avec
Jean-Charles Aponte, Directeur des salons et du développement national
de l'association Joséphine pour la Beauté des Femmes